« Se hai un mezzo, sei un viaggiatore. Se vai a piedi, sei un vagabondo.
(Si t'as les moyens, tu es un voyageur. Si tu vas à pied, t'es un vagabond) »

Proverbe Sicilien

Quatre jours à Palerme, une trentaine de kms parcourus à petits pas, histoire de ne point se transformer trop vite en flaque d’eau, par 38° à l’ombre.

On découvre avec délices les charmes contrastés de cette vieille capitale du royaume des Deux-Siciles.

800 000 habitants aujourd’hui, invisibles en ce week end sacré de Ferragosto (15 Août): les italiens sont à la plage.

Plus qu’une cité, Palerme est une vaste scène d’opéra baroque à ciel ouvert où les décors se superposent : quelques rares palais ostentatoires reconstruits à neuf à coté d’anciennes belles façades encore debout par miracle, mais derrière lesquelles poussent une herbe folle. Face à des églises fermées, décrépites, d’autres déroulent leur magnificence, en débauche de volutes de marbre et d’argent. Des Maserati rutilantes aux vitres noires croisent de poussiéreuses petites Fiat 500 des années 60 (ma première voiture en 68, rouge tomate !) et d’innombrables scooters.

Dans l’envers du décor, juste au dos des rues bien entretenues du centre monumental, on tombe vite dans une pauvreté sud-méditerranéenne, bon enfant et au soleil, comme le chante Aznavour.

Cette terre colonisée par les Phéniciens, puis les Grecs, a été  envahie  à travers les siècles par les armées successives des Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Sarrasins, Normands… qui dit mieux ?

Chaque vague migratoire a laissé sa trace : dans l’architecture (qui s’est harmonieusement métissée), dans le dialecte et même la cuisine où on retrouve encore des saveurs orientales.  La plus belle réussite est le style arabo-normand qui caractérise les principaux monuments de la ville.

 

Palerme de jour
Palerme de jour
Palerme de jour
Palerme de jour
Palerme de jour
Palerme de jour

Palerme de jour

Dans les rues touristiques, une foule de Français  sont les migrants éphémères les plus répandus cet été. Si on s’écarte du centre historique, on pourrait vite se croire en Afrique. Les vrais  migrants se retrouvent dans des squats et essaient de survivre de multiples petits métiers de rue. Sans aucun doute mal.

L’après-midi, tout est fermé et silencieux, l’air flamboie, Palerme fait la sieste. Les touristes rasent l’ombre des murs, une bouteille d’eau à la main, à la recherche des splendides sites UNESCO. Seuls les claquements des sabots des chevaux tirant les calèches lancées au trot  résonnent sur les dalles luisantes des ruelles.

Dès la tombée de la nuit, la scène du théâtre s’anime, les réverbères éclairent d’une lumière dorée la pierre ocre des façades, masquant le délabrement.

Comme par magie les rues deviennent piétonnes et grouillent de vie, les  cafés déploient leurs terrasses. Les cris des enfants font concurrence aux cris des martinets, des concerts  s’improvisent, les  marchés de nuit montent des étals au contenu improbable, des roulottes barbecue proposent toutes sortes de grillades et bien sûr des « granite » (glace à l’eau) parfumées, à coté du rouge sanglant des pastèques éclatées en tranches appétissantes.

Ambiance d’opéra populaire au pied des vieux palais  baroques décatis, souvent murés, avant restauration ou démolition, on ne sait?  Ils sont parfois tagués avec talent dans un street art plein d’imagination  qui leur crée une nouvelle vie, un nouveau décor.

Un charme fou, on croit rêver les yeux grands ouverts.

Palerme de nuit
Palerme de nuit
Palerme de nuit
Palerme de nuit
Palerme de nuit
Palerme de nuit
Palerme de nuit

Palerme de nuit

Le coup de mistral qui a sévi dans le sud de la France, attisant les incendies en Corse est arrivé ici.  Nous avons attendu qu’il se calme pour continuer notre remontée au nord, de Palerme à Olbia, au nord-est de la Sardaigne.  La traversée sur deux jours se fait au moteur, vent de face. Pas de chance !

 

Carnet de bord de Palerme au premier mouillage en Sardaigne
Carnet de bord de Palerme au premier mouillage en Sardaigne
Carnet de bord de Palerme au premier mouillage en Sardaigne
Carnet de bord de Palerme au premier mouillage en Sardaigne

Carnet de bord de Palerme au premier mouillage en Sardaigne

Capito capitaine

 

PALERME D’UN DOUTE

 

Les palais pas laids de Palerme n’ont pas l’air de pâlir. Et pourtant ils sont souvent dézingués. Pourquoi donc ?

Tensions lors de l’accession à l’indépendance en 1860 (avec les Mille du royaliste Garibaldi) ? Lutte anti-fasciste dans les années 30 ? Bombardements de la seconde guerre, pendant laquelle Palerme a payé son tribut ? Hystérie de la reconstruction des années 60 ? Pression immobilière de la  Mafia ? Incurie de l’administration ? Impossible de savoir vraiment. Sans doute un peu de tout ça.

A propos, Sicile oblige, la Mafia, ici, ne se constate que par les monuments, drapeaux ou stèles liés à la lutte contre. Sinon, rien à sentir ni à voir.

 

Drapeau Sicilien

Drapeau Sicilien

J’ai bien aimé le drapeau sicilien.

Sur fond rouge et jaune, trois jambes nues féminines en forme d’hélice et un visage au milieu. Ravi. Il y a de quoi.

Au fait, vous saviez que le pavillon italien installé sur chaque bateau est différent du drapeau officiel terrestre ? Sur le blanc central entouré du rouge et du vert, un quatuor de quatre emblèmes, ceux des quatre villes clés de l’histoire italienne de la navigation à voile. D’abord Venise, à tout seigneur tout honneur avec ses mille ans de république et de domination. Puis Gênes, qui reste aujourd’hui le premier port de la Péninsule. Et enfin Pise et Amalfi.

Aujourd’hui, Pise est coupé de la mer avec un Arno trop ensablé. Livourne a pris le relais. Quant à Amalfi, si on y arrive à la voile, on se demande comment cette micro (mais craquante) bourgade a pu être une puissance maritime. Y’a même pas de port.

Mais mine de rien, ce sont les Amalfitains qui ont inventé le droit maritime. Qui dure encore.

Dans l’histoire de la navigation, l’Italie n’a pas la place qu’elle devrait avoir.

S’étant bêtement morcelée pendant 1500 ans après la chute de Rome, elle n’a pas eu la chance de laisser son nom dans la saga des grandes découvertes.

Mais Colomb n’était ni Portugais ni Espagnol, il était Génois. Et les moines de St Dié (dans les Vosges) ont choisi un florentin Amerigo Vespucci pour donner le nom d’ « Amérique » au continent découvert. La zone d’accostage du Cristoforo s’appelle tout de même aujourd’hui la Colombie. 

 

 

 

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